Claire Rubattel fait partie des pionnières dans les universités romandes qui ont intégré et diffusé les résultats des recherches féministes dans leur enseignement avec un enthousiasme sans relâche. Ces pionnières n'ont pas toutes été récompensées, au sens institutionnel du terme, certaines n'ont jamais eu de poste, ou des postes "honorifiques" ne permettant pas de vivre de l'activité académique. C'est le cas de Claire Rubattel qui, après avoir été évincée d'un poste de professeure en raison de son sexe à l'Université de Neuchâtel, a dû se contenter d'un statut de Privat-Docent à l'Université de Lausanne. D'autres de ces précurseures ont été invitées à rester hors de l'institution, d'autres encore ont eu la chance d'obtenir un statut plus enviable. Pour ces dernières, comme pour les étudiant-e-s qui bénéficient aujourd'hui d'une formation en études genre, c'est à ces pionnières qu'on le doit. Docteure en sciences politiques, Claire Rubattel a consacré la plus grande partie de son temps à l'enseignement et à la publication d'ouvrages scientifiques. On lui doit notamment le premier cours en études féministes, "Femmes et société" à l'Université de Lausanne en 1988. C'est elle qui nous a offert, en 1987, De peur que femme oublie (éditions de l'Aire), ouvrage de synthèse présentant les résultats de quinze ans de travaux féministes. Son intérêt pour la problématique des inégalités et la situation des "minorités" remonte à son séjour aux Etats-Unis durant les années 1960, pendant lequel elle analyse les relations raciales et la situation des femmes. Bien qu'elle ne soit jamais présentée comme une militante, Claire Rubattel a défendu avec dynamisme les droits des femmes tout au long de sa vie. Si, comme elle l'a confié à la revue Nouvelles Questions Féministes, elle a mis du temps à faire émerger sa conscience féministe, elle a très tôt refusé l'enfermement des femmes dans des rôles étriqués. Ainsi, plus qu'une "étiquette", le féminisme était pour elle un engagement de tous les instants, une façon d'être au monde. C'est cela qu'elle aimait faire passer, lors des moments d'échange et de partage. Elle a d'abord milité au sein du Parti socialiste, pour ensuite être active dans des groupes féministes. Fraîchement retraitée, elle a participé de près aux réflexions du groupe de travail de la Coalition féministe suisse - FemCo - sur les assurances sociales, et plus particulièrement sur la 11e révision de l'AVS et ses conséquences sur la précarité de certaines femmes.